Le point aveugle
S’emparant librement du concept d’inconscient optique de Walter Benjamin, Natascha Niederstrass explore dans le corpus intitulé Le point aveugle, comment l’œil et la caméra comprennent l’espace et le temps de façon complètement différente. Jouant de ce décalage, l’artiste propose aux visiteurs une manipulation photographique de la réalité qui invite l’œil à prendre conscience de son propre travail inconscient.
Avec cette exposition, l’attention de Niederstrass se porte tout particulièrement sur la façon dont notre regard cherche dans l’image des traces de mondes invisibles relevant de l’ordre du spirituel. C’est ainsi que le cimetière de la Recoleta de Buenos Aires s’est offert à elle comme point de départ tout désigné pour l’élaboration de ce nouveau corpus. La série proposée dans Le point aveugle préserve autant qu’elle transforme : l’artiste a numérisé les négatifs des photographies argentiques prises en Argentine qu’elle a ensuite retravaillées en post-traitement, recréant numériquement les effets qu’on cherche à retrouver dans une photographie ancienne. Elle questionne ainsi la façon dont l’intuition de Benjamin nous permet de rendre compte et de décrire ce qui est invisible et obscurci dans la perception immédiate des objets.
Très consciente de l’importance du contexte de présentation, Niederstrass a complètement revisité l’espace de la galerie, interrogeant les pratiques muséales et la notion-même d’archive : sa matérialité, ses principes et sa portée culturelle et symbolique. Niederstrass entremêle aux œuvres photographiques différents objets qu’elle présente comme autant de souvenirs, de vestiges conservés nous poussant à prendre conscience de l’aspect de construction inhérent à la notion de mémoire. Ainsi, avec Le point aveugle, Natascha Niederstrass s’installe ici encore dans un tissage de relations nouvelles à l’histoire, à l’information et à la preuve historique.
Ce corpus fût présenté en 2017 à la Galerie Trois Points à Montréal.
Crédit photo : Jean-Michael Seminaro